de Bernadette Saint-Remi, Belgique, 2016, documentaire, 54′, français
Synopsis
Bruno, trente-cinq ans, marié, deux enfants, devient Gabrielle après dix ans de souffrance, de doute, mais aussi de détermination. Gabrielle a aujourd’hui 50 ans. Elle n’a aucun regret sauf la grande douleur de ne plus voir ses enfants. Dix longues années pour changer de sexe, mais combien d’années pour « vivre » enfin. Que faut-il faire pour avoir l’acceptation des autres, d’elle-même, de ses proches… ?
Gabrielle
Gabrielle était Bruno. Il y a cinq ans, elle a fait le saut dans le vide. Elle a choisi de changer radicalement. Ce n’était pas un vrai choix mais à un moment la seule option qui lui semblait possible. Elle a essayé longtemps de vivre dans l’inter-genre qui lui convenait mieux. Elle dit : « Chez moi le curseur est au milieu… chez vous, c’est peut-être 30-70…ou plus, ou moins… à vous de savoir !!! » mais elle dit aussi que la société n’a pas la capacité d’accepter cela… ou pas encore !
Elle ne provoque pas volontairement Gabrielle mais son choix et surtout son discours particulier n’invitent pas au mal-être, mais mènent vers des questions nouvelles… qui étrangement nous ouvrent parfois plus de contraintes que de libertés. Mais avant tout, elle vit au quotidien ce qu’elle a osé. Elle n’est pas dans le militantisme, elle n’est pas dans le regret… Elle avance sur une terre inconnue qu’elle découvre avec juste l’envie de continuer à avancer. Elle ne peut d’ailleurs plus faire demi-tour. Elle sait qu’elle a commis l’irréversible. Son objectif avoué n’est pas de se faire reconnaître, la loi en Belgique le permet, juste tolérée lui conviendrait mais son besoin de regard, quel qu’il soit, est immense… Elle voudrait nous faire croire qu’elle est juste passée de l’autre côté du miroir … voire plus loin … droite et fière, avec moins de certitude que nous mais beaucoup plus d’envie et d’appétit. Ce n’est pas aussi simple, et elle le sait.
Le film
Actuellement il y a une mode « transgenre » et à travers ce mouvement passager d’intérêt, il se construit un discours; ce discours, pavé de bonnes et moins bonnes intentions, est axé sur l’aspect festif, esthétique, sensationnel. Pas un jour, sans qu’on nous exhume une ancienne gloire ou un ancien sportif qui « révèle » sous les projecteurs son « coming out » transsexuel. Ils disent d’ailleurs tous « transsexuel » parce que c’est bien plus vendeur que transgenre. Ce discours, tronqué et trompeur, alimente notre voyeurisme, voire pire, notre snobisme dans l’obsession d’être dans l’air du temps. Il n’y aura bientôt plus qu’un choix dichotomique entre les deux extrêmes : je déteste ou j’approuve. Ce film fait sauter tous ces clichés.
Le chemin sur lequel nous conduit Gabrielle, et où nous l’accompagnons pendant plus d’un an est bien plus surprenant, est bien plus concernant et déconcertant. Le sujet n’est pas l’excentricité, l’évolution des mœurs ou l’apitoiement sur une déviance. Le sujet est l’identité, et à travers cette quête, Gabrielle nous parle de la liberté.
Gabrielle nous renvoie tous à notre identité personnelle. Elle nous fait réfléchir à la dualité homme/femme de tout être humain. Elle renvoie le reflet de notre confrontation quotidienne avec la réalité extérieure de notre personnalité profonde.
C’est dans cet esprit et cette démarche que Bernadette Saint-Remi, réalisatrice, veut nous questionner sur notre relation au corps, notre identité. Aborder le thème du transgenre sans tabou mais en posant les bonnes questions : c’est quoi les normes morales, sociales de notre société ? Sommes-nous prêts à accepter cette liberté de changement de sexe, ou au contraire, restons-nous dans le refus, la réprobation ? Comment comprendre les désirs, les aspirations de ces hommes et de ces femmes ? La transformation physique est-elle libératrice, une renaissance, ou au contraire une autre prison ? Le corps serait-il la prison de l’âme ?
Le mot de la réalisatrice
L’image que j’aperçois désormais est différente certes de celle que j’avais imaginé mais elle est d’autant plus passionnante. Elle ne tombe nullement dans le portrait arrêté que je ne voulais pas faire et qui ne ressemblerait qu’à un portrait de plus. Ce récit est dans un mouvement irrépressible et à la croisée de chemins pour elle. Dès le départ, j’ai compris que le film était important pour elle, qu’il ne tombait pas au hasard mais dans un moment bien particulier. Aujourd’hui les choses se confirment, Gabrielle est en évolution, elle veut tourner une page et ouvrir une autre toute grande. Et c’est ce moment qu’elle nous donne à voir. On pouvait craindre une vie narcissique, qui allait se replier sur elle-même. Le titre pressentait bien autre chose : l’envol. Mais pour cet envol, elle avait besoin d’une poussée (bien sûr inconsciemment), d’un regard confiant. Et moi je pressentais que ce plus, nous pouvions le lui donner.
Une production ARTE GEIE, RTBF, Triangle7, en partenariat avec Tels Quels.